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La nature reprend ses droits à Bruxelles — Blind Magazine

Jul 30, 2023

Le Hangar Photo Art Center, l'un des plus beaux lieux d'Europe dédié aux arts visuels, s'est toujours senti chez lui. C'est un espace convivial, où les artistes se rencontrent et engagent facilement la conversation, et où les photographes apprécient beaucoup d'être exposés. C'est grâce à l'accueil chaleureux de la directrice Delphine Dumont et de son équipe, et à leur engagement.

"Notre première initiative : essayer de produire nos expositions localement."

La planète est le dénominateur commun des images présentées au Hangar. Le projet Melting Islands met en lumière les enjeux auxquels sont confrontées plusieurs îles : fonte des populations, des glaces, des côtes sableuses.

Le photographe Matthieu Litt, qui apprécie les territoires vierges où la présence humaine est éparse, a passé plusieurs semaines en résidence d'art en Arctique, sur un bateau, Le Manguier. "Il s'agit d'un projet de photographie analogique", explique-t-il. "Superposition d'images prises à des moments différents ou consécutivement. Je voulais m'éloigner de l'imagerie classique souvent utilisée pour représenter les glaciers. On parle beaucoup d'exploration spatiale, de Mars, d'un avenir radieux sur d'autres planètes, sans qu'on se rende compte nous avons à portée de main ici." Les photographies de Litt, pleines de poésie et de couleurs, peuvent sembler évoquer l'exploration de planètes lointaines, mais c'est notre propre planète qui est en jeu.

Au Cap-Vert, Mathias Depardon s'est intéressé à l'extraction du sable. Le projet a commencé par une commande du journal Le Monde pour produire six reportages photo sur la dépendance de la région parisienne au sable importé d'endroits comme les Maldives, l'Inde et le Groenland. « Il faut savoir que le monde consomme 50 milliards de tonnes de sable par an, ce qui correspond à 18 kilos par jour et par personne. Grosso modo, c'est l'équivalent d'un mur de 27 mètres de haut sur 27 mètres de large encerclant la planète. . Chaque année."

Le projet de Depardon alerte sur un double fléau lié à cette matière première : l'érosion et la perte de biodiversité d'une part, l'extrême pauvreté et l'exploitation humaine d'autre part. Ses photos montrent des femmes capverdiennes dans la mer, seaux à la main, extrayant illégalement du sable pour le revendre dans les villes. "Ils pillent le sable de la côte, mais il n'y a plus de sable sur la côte. Il n'y a plus que du grès, rien que de la terre. Donc ils doivent l'extraire directement de la mer maintenant. C'est un travail horrible. Ils apportent 500 seaux par jour. Pouvez-vous imaginer ce que cela signifie ? »

Des hommes et des femmes sont également au centre du travail de Richard Pak et Clément Chapillon, deux photographes qui ont partagé la vie des communautés insulaires. Pak s'est rendu sur l'île de Tristan da Cunha, l'île principale de l'archipel éponyme - un groupe d'îles volcaniques situées dans l'océan Atlantique Sud, au nord des quarantièmes rugissants, et découvertes au début du XVIe siècle par un navigateur portugais. Situé au bout du monde, sans aéroport, à huit jours de bateau de Cape Town, en Afrique du Sud, c'est un endroit où les gens vivent forcément isolés. "C'est le territoire habité le plus isolé de la planète", explique le photographe, dont les images se distinguent par leur humanité et leur lenteur.

"C'est à la fois un Eden et une prison."

Chapillon, quant à lui, s'intéresse à la vie des habitants de l'île aride d'Amorgos, l'île la moins peuplée de Grèce, qu'il visite régulièrement depuis une vingtaine d'années. "Cette île exerce une attraction magnétique", explique le photographe. "C'est la plus pauvre et la plus sauvage. Elle a une histoire fascinante. Il reste environ 1 000 personnes sur un immense territoire complètement dépeuplé. C'est une sorte d'île absolue, la fin du monde." Parmi les irréductibles, Alain, un Français de Bagnols de Bigorre. Il est venu à Amorgos il y a une trentaine d'années et n'en est jamais reparti. "C'est à la fois un Eden et une prison."

Il y a aussi une jeune femme grecque, Platon, née sur l'île, qui sur l'une des photos prépare de la fava, une purée de pois chiche, et s'ennuie à mourir, surtout en hiver. Ou encore Carolina, une écrivaine anglaise venue se perdre dans un village au fond des montagnes. "Quand je l'ai photographiée, elle avait quatre-vingt-cinq ans. Le jour même où j'ai voulu lui donner l'empreinte, elle était morte."

Dans un univers onirique, usant des conventions documentaires, Matthieu Gafsou, Alice Pallot et le Collectif De Anima (composé de chercheurs, artistes, designers et scientifiques) proposent, à travers trois projets artistiques à cheval entre macro-écologie et observation de l'infinitésimal , pour observer la force originelle et ultime de la nature.

Alice Pallot, lauréate de la résidence 1+2 au CNRS Toulouse, pôle de création alliant photographie et sciences, a travaillé sur la problématique de la toxicité des algues en Bretagne. Plus précisément, elle s'est penchée sur un phénomène auquel la région est confrontée : le déversement à la mer de déchets agricoles intensifs, nitrates et phosphates, qui à leur tour provoquent la prolifération d'algues, notamment en Côte d'Armor. La décomposition et la putréfaction des plantes s'ensuivent, ainsi que la libération du gaz mortel H2S.

"Ces quarante dernières années, il y a eu trois ou quatre décès dus à ce même problème", explique le photographe. "En revanche, on ne parle pas de l'effondrement de la biodiversité. Mes images parlent de ça." Ce projet est influencé par une bande dessinée d'Inès Leroux, intitulée Algue verte, l'histoire interdite, parue en 2019.

Le travail visuel de Pallot, avec sa forte esthétique dystopique, est divisé en plusieurs parties hétérogènes. L'artiste utilise la toxicité comme outil : elle a par exemple laissé macérer des images pendant trois semaines parmi des algues toxiques pour obtenir des tirages abîmés, presque brûlés.

"J'ai travaillé avec des écologistes qui m'ont parlé de plages stériles. J'essaie de montrer un avenir vers lequel on se dirige si on garde le cap actuel. Je montre aussi comment transformer un oxique (oxygéné) en un anoxique ( environnement appauvri en oxygène). C'est ce qui se passe lorsque les écosystèmes entrent en contact avec le gaz H2S : il n'y a plus d'oxygène."

Ces problèmes soulèvent également des questions sur la façon de promouvoir les photographies. "Nous exposons principalement des photographies, et si on y réfléchit bien, la photographie est un polluant", note Delphine Dumont. « Les appareils photo, les produits chimiques, les imprimantes géantes des labos photo, l'encre, le papier blanchi…. Les artistes qui travaillent sur des sujets écologiques et qui doivent voyager laissent une grosse empreinte carbone. Ensuite, il y a le transport des œuvres, et la question de la collecte et de la préserver la photographie. Ce n'est vraiment pas quelque chose que c'est dans l'œil du public. C'est très compliqué d'être 100% vert. Mais on ne peut pas parler d'écologie et ne pas remettre en question ce que l'on fait. Notre première initiative : essayer de produire notre expose localement."

De Anima Collective, Échos de demain, jusqu'au 10 juin 2023

Melting Islands: Clément Chapillon, Les rochers fauves ; Mathias Depardon, Moving Sand/Cape Verde ; Matthieu Litt: Terra Nullius ; Richard Pak: La Firme . Until July 8, 2023.

Hangar Photo Art Center, Pl. du Châtelain 18, Bruxelles, Belgique.

Lire la suite : Comment la photographie s'est emparée de Bruxelles pendant et après le confinement

Objectif : Earth Green gold De Anima Collective, Echos of Tomorrow, jusqu'au 10 juin 2023 Melting Islands : Clément Chapillon, Les rochers fauves ; Mathias Depardon, Moving Sand/Cap-Vert ; Matthieu Litt : Terra Nullius ; Richard Pak : La Firme. Jusqu'au 8 juillet 2023. Hangar Photo Art Center, Pl. du Châtelain 18, Bruxelles, Belgique Lire la suite : Comment la photographie s'est emparée de Bruxelles pendant et après le confinement